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Alexandre
(Oliver Stone, GB-Fr-AL, 2004)
9. Alexandre
le Grand à l'écran
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9. Alexandre le Grand à l'écran
9.1. Biographie d'un conquérant
A. Le cinéma muet
Au temps du muet, Alexandre le Grand ne paraît pas avoir
inspiré des masses les réalisateurs. Le conquérant
macédonien apparaît sous les traits de Leopold von
Lederbur dans l'épisode grec de Die Geächteten/Der
Ritualmord (Joseph Delmont, AL - 1919) et donne peut-être
la réplique au célèbre philosophe cynique
dans La Lanterna di Diogene (Luigi Maggi, IT - 1922).
B. Le cinéma
scope-couleur
Il a fallu attendre les années '50 pour voir entreprendre
la première biographie filmique d'Alexandre le Grand du
cinéma occidental, qui avait été précédé
en cette matière par un film indien de 1941 (voir ci-dessous).
Ce fut l'uvre d'un producteur et réalisateur indépendant,
Robert Rossen, maître du film noir. Il avait d'abord été
question de réaliser en Grèce Alexandre
le Grand (EU-SP - 1956), et le prince Pierre de Grèce
avait été intéressé au tournage -
son nom figure du reste au générique en tant que
conseiller historique. Finalement, le film fut tourné en
Espagne, notamment la bataille du Granique sur le fleuve Jarama.
Pour des contigences de distribution, ce film de trois heures
fut amputé de quarante minutes.
Nous avons déjà eu l'occasion plus haut de comparer
cette version
1956 avec celle de 2004 d'O. Stone. |
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Il est curieux de noter que, même
pendant l'Age d'Or du péplum, dans les Golden Sixties,
le cinéma italien boudera le personnage du conquérant
macédonien. Un seul film le mettra en scène brièvement,
Goliath et l'hercule noir (Goliath e la schiava ribelle)
(Mario Caiano, IT-FR - 1963), dont l'action se passe en Lydie
- comme le rappelle son titre américain, The Tyrant
of Lydia against the Son of Hercules. Cette modeste bande
raconte la révolte du Grec Eumène (Gordon Scott),
surnommé «Goliath», contre un satrape particulièrement
odieux et brutal, Artapherne - Artabazo dans la VO italienne.
Artapherne (Mimmo Palmara) oppose au vaillant Eumène un
hercule noir, interprété par le culturiste guadeloupéen
Serge Nubret. L'homme de main et le patriote finiront cependant
par devenir amis et livreront Sardes à Alexandre le Grand,
dont les armées approchent à marches forcées.
Alexandre (Gabriele Antonini, qui incarnait Ulysse dans Les
Travaux d'Hercule) n'apparaît que dans les derniers
plans du film et, par ailleurs, on hésitera à bon
droit de rapprocher cet Eumène-«Goliath» de
son homonyme Eumène de Cardia, un des principaux lieutenants
d'Alexandre, le maître de son intendance, même si
le synopsis publié dans le catalogue Anica le désigne
comme un de ses «généraux» (1)
en mission.
Les scénaristes de ce film d'aventures sans prétentions
se sont sans doute souvenus de Barsine dans la version de Rossen
: cette fois Alexandre est amoureux de Cori, fille du satrape
de Phrygie, qu'Eumène - bien entendu - arrachera aux griffes
des méchants. On vous l'avait bien dit qu'il n'était
pas pédé !
Curiosa
On retiendra parmi les «curiosa» O Megalexandros/Alexandre
le Grand, de Théodoros Anghelopoulos (Grèce
- 1980), avec Omero Antonutti dans le rôle d'un bien curieux
Alexandros. A la charnière des XIXe et XXe s. - très
exactement le 1er janvier 1900 - un «bandit d'honneur»,
«Mégalexandros», s'échappe de prison
avec quelques membres de sa bande et rentre chez lui, dans la
montagne, kidnappant au passage quelques riches touristes britanniques
venus visiter des ruines antiques. Dans son village hors du monde,
l'instituteur a pris le pouvoir, dépouillant les riches
et instaurant une sorte de dictature communiste. Bientôt,
des anarchistes italiens traqués se joignent à eux.
Le bandit perd ses repères, mais doit faire face à
l'armée qui veut libérer ses otages étrangers.
L'aventure s'achèvera dans le sang, sur une scène
lourde de symboles où l'on voit le peuple se précipiter
sur le cadavre d'Alexandre et vampiriser son corps.
En homme de gauche, Théo Angelopoulos - conséquent,
méticuleux, maniaque - «remonte pièce par
pièce une histoire grecque faite de luttes fratricides,
d'assassinats légalisés. (...) Le peuple
grec, le peuple du nord de la Grèce en particulier, où
se développe la majeure partie du récit, attend
toujours le retour du grand Alexandre, Alexandre le conquérant,
devenu dans l'imaginaire populaire, du temps de l'occupation turque,
le symbole de la libération à venir» (2).
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Alexandrie, encore et toujours, de
Youssef Chahine |
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Alexandre apparaît encore sous
les traits d'Hossein Fahmi (Stelio/Alexandre le Grand) dans un épisode
parodique d'Alexandrie, encore et toujours/Iskanderiyya kamen
wa kamen de Youssef Chahine (FR-Egypte - 1990). Un réalisateur
alexandriote s'interroge sur son métier, sur le cinéma
égyptien et sur sa ville, dont il évoque la fondation
par Alexandre, que l'on voit accueilli par les Egyptiens et porté
sur les épaules d'un guerrier Macédonien. |
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C. Le cinéma indien
Alexandre ayant conquis la vallée de l'Indus, son épopée
devait interpeller le «cinéma bollywoodien»,
la plus grande cinématographie mondiale par sa prolificité.
Distinguons les films proprement relatifs à Alexandre de
ceux narrant l'ascension de Chandragupta et de la dynastie des
Mauryas qui contraignit les Macédoniens à se retirer
du Penjab.
Alexandre le Grand
Coproduit par l'Inde et l'Iran en 1940/1941, Sikandar/Alexander
the Great de Sohrab Modi est une vraie superproduction de
146' en langue urdu, où Prithvi Raj Kapoor incarne Alexandre
et l'actrice Vanamala son épouse Rukhsana (Roxane). Le
réalisateur se réservant le rôle de Pôros,
le roi de Penjab, tandis que Shakir incarnait le philosophe Aristote.
Si en 2003 Oliver Stone ne trouva pas de pachydermes convenables,
il faut croire que c'était parce qu'en 1940 déjà,
l'Inde n'était plus le «Pays des Eléphants»
: les scènes de batailles de ce film indien sont des stock
shots extraits de Scipion l'African de Carmine Gallone
(1937). Dans cette version, Alexandre dédaigne les conseils
de son vieux maître Aristote, s'éprend d'une persane
et engage la bataille contre les Indiens. Craignant pour la vie
de son mari, Rukhsana rejoint la cour de Porôs et lui arrache
la promesse que le roi de Macédoine restera sain et sauf.
Finalement, ils deviendront amis.
Vingt-cinq ans plus tard, le conquérant macédonien
réapparut sur les écrans indiens avec Sikandar-e-Azam/Alexander
the Great (Kedar Kapoor, Inde - 1965) où l'on retrouve
l'acteur indien Prithviraj, déjà vu dans la version
1940, et l'incontournable «hercule» subcontinental
Dara Singh (CLICK
et CLICK).
On signale également un Sikandar de Sai Paranjpye
en 1976.
Chandragupta
On a identifié le Chandragupta de la tradition hindoue
avec le Sandracottos (ou Sandraguptos) mentionné par les
historiens des campagnes d'Alexandre : celui qui, selon Plutarque,
aurait recherché en vain l'alliance d'Alexandre contre
son souverain. Il est le fondateur de la dynastie Maurya dans
le nord de l'Inde. Cette dynastie fut ainsi appelée, peut-être
du nom de sa mère, Murâ, qui était une çudrâ,
une servante de palais. Lui-même, semble-t-il, était
le bâtard d'un roi Nanda qui régnait sur le Magadha
(le Bihar actuel) au temps d'Alexandre. C'est du moins ainsi que
Chandragupta est présenté dans le Mudrârâkshasa,
un drame très postérieur qui relate les circonstances
de son avènement : on le voit, jeune encore, marcher sur
Pâtaliputra, la capitale du Magadha (aujourd'hui Patnâ),
et renverser le roi à la tête d'une bande de brigands,
après avoir chassé les garnisons macédoniennes
dans la région de l'Indus. Ceci se passait vers -313, dix
ans après la mort d'Alexandre (3),
et Chandragupta fut accueilli en libérateur.
Sous son règne, toute l'Inde du Nord allait être
unifiée pour la première fois : de l'Afghanistan
(moins la Bactriane, qui restera une province grecque) au Bengale
et jusqu'à la Nerbudda, dans le sud. A l'ouest, Chandragupta
réoccupa les territoires conquis par Alexandre dans le
Penjab. En -305, il obligea Séleucos Nicator, un des diadoques,
fondateur du royaume des Séleucides, à négocier
: en échange de 500 éléphants de guerre,
qu'il mettrait en ligne quatre ans plus tard à la bataille
d'Ipsos contre Antigone, Séleucos abandonna à Chandragupta
les satrapies à l'ouest de l'Indus (Béloutchistan,
Kandahar, Hérat, Kaboul) et renonça à son
rêve de grandeur - reconstituer l'Empire achéménide
en Orient. Cette même année, Chandragupta épousa
la fille de Séleucos et reçut son ambassadeur Mégasthène,
à qui l'on devra une description très précise
de la capitale des Maurya.
Chandragupta régna pendant vingt-quatre ans puis, converti
au jaïnisme (4)
qui avait tenu ses premières assises à Pâtaliputra
en -300, il se fit ascète et disparut dans la forêt,
où il se serait laissé mourir d'inanition. Après
lui, l'Empire maurya devait continuer de grandir et connaîtrait
son apogée sous son petit-fils Açoka, l'empereur
bouddhiste.
La plus ancienne version filmique semble être, en 1924,
Chandragupta and Mahatma Chanakya, une production Star
Films. Donc en 313 av. n.E., sur les conseils du sage Chanakya,
l'empereur Chandragupta chasse du Penjab les Macédoniens
commandés par Séleucos Nicator.
Une seconde version noir et
blanc de 122' et parlant hindi, Samrat Chandragupta
fut tournée par Jayant Desai en 1945, et contenait
un «numéro nationaliste», Mata ki
jai, janani ki jai ho, qui annonçait l'émancipation
du sous-continent trois ans plus tard. Cette fresque historique
à grand spectacle, avec Renuka Devi, Ishwarlal, Nayampally
etc., contait la fondation de l'Empire maurya en 321 av.
n.E. par cet empereur hindou entré dans la légende.
Après avoir fait alliance avec les Macédoniens
d'Alexandre le Grand, Chandragupta finit par se brouiller
avec eux et les vainquit dans une guerre à l'issue
de laquelle il fonda son propre Empire dont Pâtaliputra
sera la capitale.
Le film montre les liens d'amitié entre Chandragupta
et le diadoque macédonien Séleucos Nicator,
dont on suppose que la fille épousa le rajah maurya.
Ayant, donc, sauvé les vies de Séleucos et
de sa fille Hélène des entreprises malveillantes
d'Antigonos, Chandragupta, en remerciement, devint le gendre
du roi macédonien.
Les événements politiques concernant la conquête
du royaume de Nanda par Chandragupta sont présentés
comme une conséquence de cette histoire d'amour.
Leur bonheur ne devint parfait qu'après que plusieurs
tentatives de renverser le roi eussent avorté. Mentor
de Chandragupta, le politicien Chanakya y tenait un rôle
capital.
Une troisième version fut tournée par Babubhai
Mistry en 1958, Samrat Chandragupta, avec Bharat
Bhushan (ou Bhooshan), Nirupa Roy, Lalita Pawar etc. Ce
film mettait lui aussi l'accent sur le personnage historique
Chanakya, le sage brahmane qui aida le Maurya Chandragupta
à monter sur le trône du Magadha - le grand
royaume du nord-est de l'Inde. Nanda, alors roi du Magadha,
s'abîme dans le vin et la débauche, tout à
fait indifférent à la menace que représente
les victoires des envahisseurs grecs dans le nord-ouest
du sous-continent. Chanakya, qui a sollicité une
entrevue avec le souverain, est insulté et humilié.
Décidé à se venger, Chanakya mise sur
Chandragupta, un jeune homme brave et fougueux qui ferait
un bien meilleur roi que l'actuel monarque.
Sur son avis, Chandragupta se glisse dans un camp grec,
à la frontière, et prend des leçons
d'art militaire auprès de Séleucos, un ancien
général du conquérant Alexandre le
Grand, qui s'est rendu maître de toute l'Asie occidentale,
depuis la Syrie jusqu'au Penjab. Chandragupta peut désormais
affronter Nanda. Revenu au Magadha, il détrône
ce potentat indolent, et instaure son propre pouvoir royal.
Plus tard, Chandragupta battra Séleucos et épousera
sa fille sur le conseil de Chanakya.
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Une quatrième version, Chanakya Chandragupta, sera
filmée en 1977 par N.T. Rama Rao, avec N.T. Rama Rao et
A. Nageswara Rao. |
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D. La télévision
En Grande-Bretagne, le roman de Terence Rattigan Adventure
Story fut deux fois porté au petit écran avec,
dans le rôle d'Alexandre, Andrew Osborn (Michael Barry,
GB - 1950) et, onze ans plus tard, Sean Connery qui n'était
pas encore l'agent secret James Bond (Rudolph Cartier, GB - 1961).
Entre-temps la TV américaine n'était pas demeurée
en reste, avec un Triumph of Alexander the Great, 324 B.C.,
signé par Sidney Lumet (1955, série «You Are
There») où E.G. Marshall incarnait le fils de Philippe.
Pilote d'une série TV non réalisée d'A.B.C.-TV
d'Albert McCleary pour Selmur-Productions, Alexander the Great
(Phil Karlson, EU - 1968), avec William Shatner dans le rôle-titre,
racontait la bataille d'Issos, tournée dans le désert
de l'Utah.
The Search for Alexander the Great de l'Australien Peter
Sykes (GB-EU, 1981) est une mini-série TV de quatre épisode
d'une heure (1. The Young Lion; 2. The Young Conqueror; 3.
Conquest of the Persian Empire; 4. The Last March) produite
par KCET-Time Life, avec Nicholas Clay dans le rôle d'Alexandre
le Grand. Tourné avec la coopération du Ministère
grec de la culture, nombre de sites furent filmés in
situ en Grèce, comme le Temple d'Apollon, la Voie Sacrée
et la Tholos à Delphes, les bains romains de Sicyone (Ve
s. de n.E.), le chantier de fouilles d'Aigira (5)
(?) et le golfe de Corinthe à Xylokastron.
En revanche, un projet français de mini-série
(4 x 86', ou 6 x 52') Alexander the Great, annoncé
à Cannes en 1983 par Claude V. Coen (Europa-Films - Paris)
ne devait pas aboutir. Déjà producteur du Comte
de Monte-Cristo et de Guillaume le Conquérant,
Europa-Films annonçait pour 1983/1984, outre Alexandre
le Grand, cinq autres «superproductions TV» historiques
: Zacharius (86'), François Villon (6 x 52')
et Talleyrand (7 x 52'). |
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9.2. Autour d'Alexandre
A. L'époque d'Alexandre
Dans les paragraphes qui suivent, nous passerons en revue les
films qui concernent l'époque d'Alexandre ou de son père
Philippe, sans pour autant les faire intervenir directement.
379. Un groupe de patriotes veut libérer Thèbes
de la garnison ennemie qui l'occupe. Cependant, au milieu d'un
festin, une lettre qui contenait le détail de toute la
conspiration est remise au gouverneur lacédémonien
Archias (Raf Baldassarre, rebaptisé «Léonidas»
ce qui tout de même fait plus «Spartiate»).
Mais celui-ci refuse de la lire et la met sous le coussin du lit
où il était couché, en disant : «A
demain les affaires sérieuses !» Cette légèreté
perdit les Lacédémoniens. Pélopidas, à
la tête des conjurés, pénétra dans
la salle du festin, massacra les convives et, après ce
coup hardi, courut à l'Agora exciter le peuple à
prendre les armes. Tel est le sujet d'I Sette a Tebe/Seven
from Thebes de Roy Ferguson (6)
(1963), curieuse co-production franco-italienne qui, à
notre connaissance, n'est jamais sortie sur les écrans
de l'Hexagone. Le film contait non sans désinvolture (André
Lawrence-Epaminondas s'y voyait rebaptisé «Diomède»
et Burt Flesher-Pélopidas devenait «Hippolyte»)
comment, en -379, Pélopidas et Epaminondas chassèrent
de leurs patrie les Spartiates tyranniques avant de leur infliger
de sévères défaites à Leuctres (371)
et à Mantinée (362) grâce à une toute
nouvelle tactique mise au point pour la phalange : l'attaque en
coin.
Ce qui n'est pas dit non plus dans le film, c'est qu'un jeune
prince macédonien otage à Thèbes, ayant étudié
sa tactique auprès d'Epaminondas lui-même, la perfectionnerait
encore lorsque, rentré chez lui, il réforma l'armée
macédonienne : Philippe II de Macédoine.
335. Un autre personnage grec contemporain d'Alexandre
est la courtisane Phryné, célèbre pour avoir
servi de modèle à Praxitèle et, surtout,
pour ce fameux jugement des Héliastes d'Athènes
dont elle obtint son acquittement simplement en... tombant le
péplum.
Mentionnons pour la complétude Le Jugement de Phryné,
production Pathé (FR - 1900) ainsi que Concile d'amour/Liebes
Konzil de Werner Schroeter (R.F.A. - 1981), d'après
la pièce d'Oscar Panizza, où parmi d'autres personnages
historiques, toutes époques confondues, apparaissait Phryné
sous les traits d'Hanja Kochansky.
Plus intéressante est Phryné, courtisane de l'Orient/Frine,
cortigiana d'Oriente de Mario Bonnard (IT - 1953-1954), une
production d'Alberto Manca en noir et blanc, sur laquelle Sergio
Leone était assistant. L'actrice allemande Elena Kleus
y incarnait Phryné aux côtés de Pierre Cressoy
(Hypéride) et Roldano Lupi (Praxitèle).
En 335, victime de la vengeance du tyran Oschus, Afra est vendue
comme esclave à Athènes. Sous le nom de Phryné
elle y devint une courtisane en vue et fort riche; son amant,
l'orateur Hypéride, se ruine pour la convaincre de la sincérité
de son amour. Praxitèle la prend pour modèle de
sa statue d'Aphrodite.
Mais lorsque les Thébains, alliés d'Athènes,
viennent collecter des fonds pour reconstruire leur ville rasée
par Alexandre le Grand, elle offre toute sa fortune pour en rebâtir
les murs, ce qui normalement donne droit au mécène
d'y faire figurer son nom, «Cette ville a été
détruite par Alexandre [le Grand] et reconstruite par Phryné»
- satisfaction sans pareille qui la vengerait de ses anciens compatriotes
qui l'ont vendue. Mais à l'instigation de Lamaque, son
ancien entremetteur, le Sénat de Thèbes refuse de
faire figurer le nom d'une prostituée sur les murs de la
cité.
Lamaque parachève sa vengeance en la faisant traîner
devant le tribunal des Héliastes, sous l'accusation de
sacrilège. C'est Hypéride qui plaide sa cause, et,
ultime argument, dévoile son corps. Acquittée, Phryné
renonce à sa prétention de faire graver son nom
sur les murs de sa patrie. Ouf, la morale reste sauve ! |
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338. Cinq ans plus tard, une
sorte de doublon du précédent est tourné
par Fernando Cerchio et Victor Tourjanski sur un sujet de Damiano
Damiani : Aphrodite, déesse de l'amour/La Venere di
Cheronea (FR-IT - 1958), avec Belinda Lee (Iridé),
Jacques Sernas (Luciano) et Massimo Girotti (Praxitèle).
Le tournage a lieu dans les Studios de Cinecittà et les
extérieurs de la bataille de Chéronée en
Yougoslavie. Un commando macédonien opère en territoire
béotien. Après avoir incendié la flotte grecque,
son chef blessé, Luciano, est séparé de ses
compagnons. Sur la plage, il est trouvé par Iridé,
modèle du sculpteur Praxitèle, qui se baignait là.
Praxitèle recueille et soigne le blessé, qui est
tout étonné de retrouver celle qu'en s'évanouissant
il avait pris pour la déesse Aphrodite sortant de l'écume
des vagues. La version 1953 se situait après la destruction
de Thèbes par Alexandre (335), celle de 1958 pendant la
bataille de Chéronée (338), trois ans plus tôt.
Mais la bergère Iridé est une démarque de
Phryné, qui posa pour Praxitèle; toutefois c'est
le peintre Apelle qui, ayant vu Phryné se baigner dans
la baie d'Eleusis, la prit pour modèle de son Aphrodite
Anadyomène.
Enfin, Crown Trial, production AIP (GB - 1938) avec John
Nathaniel dans le double rôle de Démosthène
et de son rival Æschines, d'après notre documentation,
est supposée se passer en 350, quoique le fameux discours
Sur la couronne fut, en fait, prononcé en 338. |
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B. L'après Alexandre (La
Grèce hellénistique)
Après la mort d'Alexandre, son empire éclaté
vit s'épanouir une civilisation nouvelle, à la mesure
de l'oikouménè (7)
: la civilisation hellénistique, injustement considérée
après la période classique comme des temps de décadence
politique et artistique. De fait, dans les programmes scolaires
le cours d'histoire grecque s'achève avec Alexandre le
Grand, ce qu'il advint ensuite étant englobé par
bribes dans l'histoire romaine. Qu'en fut-il à l'écran
?
280. La Grèce hellénistique fut avant tout
un monde de grandeur et d'émerveillement. C'est du reste
pendant cette période que fut compilée la liste
des Sept Merveilles du Monde. Certaines comme les Pyramides d'Egypte
et les Jardins suspendus de Babylone étaient bien antérieures
au génie grec. D'autres comme la statue de Zeus à
Olympie, le Temple d'Artémis à Ephèse, le
phare d'Alexandrie ou le Colosse de Rhodes lui étaient
propre. Le Colosse
de Rhodes de Sergio Leone (SP-IT-FR - 1960) est globalement
un condensé de l'histoire de cette île, avec des
références renvoyant aux temps les plus reculés
comme certaines fresques minoennes. Inauguré en 280, jeté
bas par un tremblement de terre en 225, il commémorait
le siège de la ville en 305 par un des diadoques d'Alexandre,
Démétrios le Poliorcète fils d'Antigone le
Borgne. Parmi tous les anachronismes malicieusement insérés
par Leone, il y avait les noms perses du héros, le général
athénien «Darios» (Rory Calhoun) et son antagoniste,
le tyran de l'île, «Xerxès» (Roberto
Camardiel). Tourné dans les décors madrilènes
qui avaient déjà servi aux Derniers jours de
Pompéi, notamment un amphithéâtre romain
(8)
dont il n'y eut jamais d'équivalent historique à
Rhodes, Le Colosse de Rhodes se voulait un remake
en péplum de La cinquième colonne (Saboteur,
1942) d'Hitchcock, Rory Calhoun reprenant le rôle
de Robert Cummings lors de l'affrontement final en haut de la
Statue de la Liberté. Le Colosse de Rhodes fait
partie de ce que l'on peut nommer le «Cycle des Grands Inventeurs»,
c'est-à-dire des films d'époque faisant intervenir
des génies scientifiques en avance sur leur temps : Leonard
de Vinci dans Le sabre de la vengeance, par exemple, ou
Archimède défendant Syracuse.
212. Archimède et ses miroirs ardents interviennent
dans Cabiria (1913), la célèbre fresque dédiée
à la Seconde guerre punique ; et un film d'aventures orientales,
Sindbad et l'il du Tigre lui prête même
un disciple, Mélanthios. Mais, sous les traits de Rossano
Brazzi, le savant mathématicien grec est le héros
central de La Charge de Syracuse (L'Assedio di Siracusa (Archimede))
de Pietro Francisci (IT-FR - 1959) dont les inventions tiennent
en échec le consul Marcellus (Alberto Farnese). Digne d'un
mélodrame lyrique - on en a comparé le scénario
à celui du Trouvère - le film de Francisci
se moque gentiment de l'histoire : à la fin du film Archimède
retrouve la femme qu'il aime et Marcellus est tué dans
la bataille ! Clio, la Muse de l'Histoire, doit se retourner dans
sa tombe mais - après tout - c'est une bien douce vengeance
pour le brave Archimède qui, ayant perdu d'amour de Diane
amnésique, avait été contraint d'épouser
une Clio (Sylva Koscina), fille du roi de Syracuse Géron.
Merveilles du monde et grands inventeurs n'en resteront pas
là. Pour démontrer les possibilités de telle
prouesse cinématographique, le Cinerama, Tay Garnett, Paul
Mantz, Andrew Marton, Ted Tetzlaff et Walter Thompson conjugueront
leurs talents pour le tournage d'un documentaire Les Sept Merveilles
du Monde (EU - 1955) filmé en Egypte (Pyramides), en
Grèce (Parthénon, mont Olympe), mais aussi aux quatre
coins du monde du Taj Mahal au grand Canyon du Colorado, en passant
par la baie de Naples et celle de Rio, des danseurs Watusi et
le barrage Hoover, etc. Si Les Sept Merveilles du Monde
en déclinait tous les paradigmes possibles, depuis les
réalisations de l'Antiquité, du monde moderne, de
la Nature ou tout simplement de scènes pittoresque, le
britannique Ken Annakin, dans Ces Merveilleux fous volants
dans leurs drôles de machines (9)
(GB - 1965) rendit aux grands inventeurs un hommage plus succinct
dans la séquence prégénérique, filmée
en noir et blanc, où Red Skelton incarne divers personnages
historiques : l'Homme de Néandertal qui rêve de voler,
le Grec Icare précipité du haut du toit d'un temple,
un audacieux homme-oiseau du Moyen Age et un autre hardi expérimentateur
du XVIe s., ... en attendant les Frères Wright (1903) !
Les Grecs hellénistiques rêvèrent-ils de voler,
de concrétiser le mythe d'Icare par quelque spéculation
scientifique ? Considéré comme le «Père
de la mécanique», Archytas de Tarente (430-360),
en tout cas, construisit un oiseau mécanique capable de
voler en battant des ailes.
... Mais revenons à nos péplums.
192. Sparte n'était pas entrée dans la Ligue
de Corinthe qui rassemblait les cités grecques ralliées
(ou soumises) à la Macédoine. Toutefois, à
la mort d'Alexandre, elle s'abstint de se joindre aux Athéniens
et aux Etoliens révoltés contre la Macédoine
et le régent Antipater (la Guerre Lamiaque, 323-322). En
vérité, depuis les défaites infligées
par Pélopidas et Epaminondas, Sparte n'était plus
que l'ombre d'elle-même et vivotait. Dans les temps qui
suivirent, elle louvoya entre les grandes puissances du temps
pour, finalement, intégrer la Ligue achéenne en
191. Assez curieusement cette peu glorieuse époque va intéresser
Alberto De Martino qui en «traitera» à deux
reprises avec Les Sept gladiateurs (IT-SP, 1962) et La
Révolte de Sparte (IT, 1964) (10).
Les Sept gladiateurs (Los siete Espartanos), signés
par Pedro Lázaga, prête-nom ibérique pour
Alberto De Martino, co-production oblige, raconte les aventures
d'un gladiateur spartiate qui s'est couvert de gloire à
Rome, Darius (11)
(Richard Harrison), lequel retour dans sa patrie est en bute à
la tyrannie de l'éphore Hiarba (Gérard Tichy). La
date -192, revendiquée par le synopsis nous renvoie au
règne de Nabis qui fut le dernier tyran de Sparte. Darius
va se muer en implacable justicier «à la Zorro».
Deux ans plus tard, Alberto De Martino remet les couverts avec
La Révolte de Sparte (The Spartan Gladiators) où
l'on verra un noble spartiate, Kéros (Tony Russel) en ce
même an de grâce -192, lutter contre un tyran cette
fois nommé Milon ou Sar, ou Tarr - les sources divergent,
à ce sujet (12)
- incarné par Nando Gazzolo. En fait, le nom importe peu
: l'indication de la date désigne clairement le règne
de Nabis. Le film nous le présente donc comme un «tyran»
de Sparte qui trahit la Ligue achéenne, étant sur
le point d'appeler des troupes étrangères pour consolider
son pouvoir chancelant.
Mis au courant de la situation, un groupe de rebelles décide
de s'emparer d'une statuette d'or du dieu Arès, contenant
les preuves de la félonie du dictateur et de la porter
à Athènes. Livio Lorenzon y incarne Némète,
un comédien ambulant dont la roulotte cache les rebelles.
Plus concertée, cette version pépluméenne
du Capitaine Fracasse aurait pu être un petit chef-d'uvre
du genre. Le saltimbanque y fait une sortie assez réussie
quand, mortellement blessé, il confie au héros :
«La dernière scène, Kéros. (...)
Non, non je ne crains pas la mort. Tu sais, c'est ma «grande
scène»... Je suis mort tant de fois, dans ma vie...
Ecoute... (moribond, mais déclamatoire :) «Je
vois le portail d'Hadès - Toute ma force s'est enfuie -
Je sens s'échapper la vie - Emporte-moi pour ce dernier
voyage, ô Mort». (Se reprenant :) Et c'est alors...
qu'on applaudit...» (Il expire.)
La déclamation de Némète est une paraphrase
de Sophocle (dipe à Colone, v. 1549 sqq.)
: «O clarté du jour qui ne m'est que ténèbres,
mes regards ont joui de toi, jadis. Aujourd'hui tu baignes mon
corps pour la dernière fois. Voici pour moi l'étape
finale avant de disparaître chez Hadès...»
(etc.). Quant à sa dernière phrase, avant d'expirer,
ne renvoie-t-elle pas à un certain «Nunc, spectatores,
Iovis summi causa clare plaudite» (13)
?
146. En 146, tandis que le proconsul Scipion-Emilien rase
Carthage vaincue, son collègue le consul L. Mummius s'apprête
à en faire autant d'une autre puissance maritime, Corinthe
en Grèce. Tel est le sujet de La Bataille de Corinthe
de Mario Costa (FR-IT, 1960), avec Jacques Sernas dans le rôle
d'un beau centurion rescapé d'une ambassade romaine malmenée
par les Grecs, et John Drew Barrymore dans celui du super-méchant,
l'hypostratège Diéos de Mégalopolis. Etant
italien, le film évidemment épouse le point de vue
romain et le répugnant politicien Callicratès (Nando
Tamberlani) dont l'historien Polybe a conspué la vilenie
incarne un gentil leader pacifiste baba-cool. Las, les Grecs ayant
été vaincus à Leucopètre, Corinthe
est rasée et la Ligue achéenne dissoute. Alberto
De Martino se fatiguera en vain à essayer de la préserver.
IIIe-Ier s. Quantité de films ont été
consacrés aux amours et à l'histoire de la fameuse
Cléopâtre VII, la dernière souveraine hellénistique.
Tout un sujet en soi. Nous ne mentionnerons donc ici que les autres
«Cléopâtre», dont question dans la série
B.B.C. en huit épisodes, The Cleopatras de John
Frankau (prod. Guy Slater, GB - 1983) avec Elizabeth Shepherd
(Cléopâtre II), Prue Clarke (Cléopâtre
Séléné), Pauline Moran (Cléopâtre
Bérénice), Caroline Mortimer (Cléopâtre
Théa), Sue Holderness (Cléopâtre IV), Amanda
Boxer (Cléopâtre Tryphæna) et Michelle Newell
(Cléopâtre VII), une chronique de sept reines d'Egypte
qui portèrent ce nom.
Hors Cléopâtre, la vie en Alexandrie a peu inspiré
les cinéastes. On était en droit d'attendre beaucoup
de l'Aphrodite de Robert Dr Phibes Fuest (FR - 1982),
d'après le roman érotique homonyme de Pierre Louÿs
(14)
où du reste apparaissait, enfant, la future Cléopâtre
VII. Las, le roman a été (mal) adapté à
l'écran par Robert Fuest, qui en déplace l'intrigue
en... 1914. Dans une villa néo-classique quelque part en
Grèce un trafiquant d'armes, Harry Laird (Horst Buchholz)
reçoit le gratin faisandé d'une certaine bonne société.
En attendant l'annonce de la Grande Guerre qui devrait relancer
ses «affaires», il organise un «jeu de rôle»
d'après le roman de Pierre Louÿs : durant trois jours
et trois nuits, les participants s'identifieront aux héros
de Louÿs dont Valérie Kaprisky (Pauline/Aphrodite)
sera l'ingénue manipulée par le sinistre personnage.
Ayant découvert la félonie à laquelle elle
s'est prêtée, elle est exécutée par
Valérie, la maîtresse de Laird. Sauf les jeux lesbiens
et la mort de l'héroïne, Fuest n'a rien retenu du
roman. Hors l'apport publicitaire lié au nom de talentueux
prédécesseurs, on se demande vraiment ce qui pousse
certains réalisateurs à prétendre porter
à l'écran certaines uvres réputées
sans avoir le moins du monde l'intention de le faire honnêtement. |
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C. La postérité
d'Alexandre
En 1985, la M.G.M. avait annoncé son intention de porter
à l'écran Fire from Heaven, premier tome
de la trilogie romanesque de Mary
Renault consacrée à l'épopée d'Alexandre.
Le réalisateur pressenti était Arthur Allan Seidelman,
et Albert Finney devait y tenir le rôle de Philippe, Vanessa
Redgrave celui d'Olympias et Ben Kingsley celui de Démosthène.
Ce projet n'aboutit pas, pas plus qu'un autre dont la presse s'était
faite l'écho en 1989, un Alexandre le Grand avec
l'acteur belge d'arts martiaux Jean-Claude Aware Van Damme
et... Sean Connery (15).
Au mieux, l'on vit sortir une médiocre variation de Fight
Club, Gladiator Cop (Nick Rotundo, 1994) avec un autre acteur
d'arts martiaux, le canadien Lorenzo Lamas, qui y incarne le flic
newyorkais Andrew Garret... réincarnation du conquérant
macédonien. Tiens, j'vais m'gêner...
Ce policier n'est pas seulement un champion d'escrime, il est
également pourvu d'étonnants pouvoirs parapsychologiques
: il lui suffit de poser les mains sur les plaies d'une personne
assassinée et il a la vision de son assassinat. Ce qui
est bien pratique quand on est plus doué pour casser la
tête des voyous que pour se casser la nénette à
chercher de vrais indices. Au cours de ses «enquêtes»,
Garret fait le rapprochement entre une série de cadavres
tués à l'arme blanche et le meurtre d'un vigile
du Musée local, où était exposée l'épée
du conquérant macédonien, Alexandre le Grand (dont
il ignore encore être la réincarnation). Il va avoir
affaire à un collectionneur asiatique, Parménion
- réincarnation, bien sûr, de son général
félon qui avait naguère tenté de le déposséder
de sa fameuse épée - et organisateur de combats
clandestins de gladiateurs...
Dans ce sous-sous-Highlander, Lorenzo Lamas, médium,
escrimeur, demi-dieu-réincarné, flic-je-sais-tout
doit s'allier à un cocasse directeur du Musée qui,
lui, ne sait rien du tout et se trouve réduit à
consulter le dictionnaire pour découvrir qui était...
Parménion. Bon sang, mais c'est bien sûr !
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Autre curiosité, Les aventuriers
du Trésor perdu/High Adventure (Mark Roper, Canada-GB-Bulgarie
- 2000) conte les aventures d'un gentleman pilleur de tombes,
Chris Quatermain, petit-fils du chasseur blanc Allan Quatermain
imaginé par sir H. Rider Haggard. A mi-chemin entre Indiana
Jones, dont il plagie à peine le logo, et Tomb Raider
- Thomas Ian Griffith, qui incarne Quatermain, a les mêmes
lèvres pulpeuses qu'Angelina Jolie -, ce film en partage
la naïveté au sujet des technologies dont auraient
disposé les Anciens en matière de protection de
tombeaux. L'action - filmée près de Sofia, en Bulgarie
- est censée se passer au Turkestan, à l'est de
Samarcande où le frère d'Hope Gruner (Anja King)
a trouvé des objets en or bactrien, et une carte - d'époque
- décrivant les campagnes de l'an 327 et l'emplacement
d'une cachette qui s'avérera être... le tombeau d'Alexandre
(16).
Pièges sophistiqués, hostilité de madame
Lorenzo, une concurrente sans scrupules. Heureusement, un certain
Sharkan, mystérieux descendant d'Alexandre et gardien de
la tombe, veille sur nos héros dont il a reconnu l'honnêteté.
Belle trouvaille, en fin de compte, qu'un Deus ex machina
pour sortir d'affaire des héros fourvoyés dans des
situations inextricables par des scénaristes sans imagination.
Depuis la tragédie grecque, on n'a pas inventé mieux. |
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D'une toute autre trempe est L'Homme
qui voulut être roi/The Man Who Would Be King, de John
Huston (GB - 1975), d'après la nouvelle de Rudyard
Kipling (1888), avec Sean Connery dans le rôle de l'ex-sergent
Daniel Dravot et Michael Caine dans celui de son inséparable
complice Peachy Carnehan, deux Francs-Maçons aventureux...
Années 1880. Deux sergents démobilisés
de l'Armée des Indes, Peachy Carnehan et Daniel Dravot,
ont formé le projet de conquérir à eux deux
le Kâfiristan, une vallée perdue de l'Hindou-Koush.
Et d'en devenir les rois. Les Kâfirs prennent Daniel pour
le descendant du dieu Alexandre (Sikandar) venu récupérer
ses trésors. Alexandre, en effet, a été à
l'origine de l'idée maçonnique de fraternité
universelle... Franc-Maçon, l'aventurier écossais
porte à son cou le symbole de l'équerre qui, selon
le film, était celui d'Alexandre, et donc est reconnu comme
le trente-troisième dieux de ces païens. Avec tous
les pouvoirs et contraintes que cela implique.
Toutefois, au lieu de tranquillement emporter son or, Daniel se
pique au jeu et épouse une jeune fille répondant
au nom de Roxane. Sa supercherie ayant été découverte,
il sera massacré par ses sujets (17).
Déjà dans les années '50, John Huston avait
déjà tenté de mettre en chantier la nouvelle
de Kipling avec Clark Gable et Humphrey Bogart, ensuite avec Burt
Lancaster et Kirk Douglas, puis encore avec Robert Redford et
Paul Newman, avant de se finalement rabattre sur le duo Sean Connery-Michael
Caine. Quelques raccourcis font sourire. C'est qu'il ne s'agit
pas ici de faire un cours, mais d'aller à l'essentiel :
le grand public a sans doute entendu parler d'Hérodote,
le «Père de l'Histoire», mais il se fiche éperdument
de ce que, vivant 150 ans avant Alexandre, il n'aurait jamais
pu en conter les exploits. L'«encyclopédie»
de Kipling peut donc bien tranquillement indiquer qu'Hérodote
relata la conquête du Kafîristan par Alexandre, en
328, ainsi que sa victoire sur le roi Oxus Artès
- Oxyartès, bien entendu - dont il épousa la fille
Roxane !
Toutefois, en 1975, montrer les Kafîrs «racialement»
identiques aux Anglais aurait été aussi absurde
que de retenir la thèse confite de bigoterie chrétienne
ou d'ésotérisme maçonnique de l'origine «élue»
(israélite) du peuple britannique. Renonçant à
accuser quelque différence entre Kafîrs (tout ensemble
païens, Franc-Maçons et détenteurs de la tradition
d'Alexandre) et Afghans musulmans, les principaux rôles
ethniques seront confiés à des acteurs marocains,
tel le fameux comique Doghmi Larbi, bien connu des cinéphiles
maghrébins.
Pour camper Sikandergul (la «Ville d'Alexandre»),
les cinéastes plantèrent leurs caméras dans
le site romain de Volubilis, au Maroc.
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9.3. Alexander's Come Back
On a vu qu'au long des années '80 différents projets
de porter à l'écran Alexandre le Grand avaient été
envisagés. Celui d'Oliver Stone... peut être considéré
comme remontant à 1989, lorsqu'il commença à
prendre des notes (18).
Après avoir marqué le pas au moment de la sortie
du film d'O. Stone, Baz Luhrmann (réal.) & Dino De
Laurentii (prod.) ne semblent toutefois pas avoir dit leur dernier
mot avec l'Untitled «Alexander the Great» Project.
Il fallut attendre 1999 pour qu'Oliver Stone puisse mettre sur
pied son Alexandre, quand à son tour la Warner annonça
le même sujet avec pour réalisateur Christopher Mc
Quarrie et, pour vedette, Jude Law (cf. Impact, n° 89).
Le scénariste Peter Buckman aurait imaginé un Alexandre
schizophrène qui déplut au producteur. En février
2003 la Warner s'associa au projet d'Oliver Stone. A ce moment-là,
trois ou quatre «Alexandre» (dont un pour la télévision),
étaient encore en piste. Rappelons les projets en concurrence
en 2003-2004.
1. |
Prod. Initial Entertainement Group (ALI) / Réal.
Martin Scorsese
Scorsese finit par mettre en veilleuse ses ambitions de réaliser
Alexandre le Grand, mais souhaita s'associer comme
producteur au film dont Leonardo DiCaprio serait la vedette
(novembre 2001). Ce projet fut abandonné courant
2002, et DiCaprio passa avec armes et bagages chez Dino
De Laurentiis. |
|
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2. |
Untitled «Alexander the Great» Project (2005)
/ Réal. : Baz Luhrmann
Scén. : David Hare (d'après le roman de Valerio
Manfredi). Prod. : Dino De Laurentii. •
Avec : Leonardo DiCaprio (Alexandre le Grand), Nicole Kidman
(Olympias) et Damian Golden (Antonio) (?).
De Laurentiis souhaita d'abord confier le rôle à
un acteur inconnu. Finalement, Leonardo DiCaprio réussit
à s'imposer (octobre 2002). Il avait été
question de confier un rôle à Anthony Hopkins
(19)
(dès le début, 2001), plus récemment
à Nicole Kidman celui d'Olympias (février 2003).
Dans un premier temps, Ridley Scott en avait été
pressenti comme réalisateur (juillet 2001) sur un scénario
de Ted Tally; il sera ensuite question de Baz Luhrmann
(septembre-octobre 2002). On a parlé d'un budget de
170 millions de dollars. La Fox-Universal s'est intéressée
au projet, puis, après son désistement, par
Dreamworks (2003).
Prévu pour 2005, il fut coiffé au poteau par
Oliver Stone. Mais, depuis la sortie du film de Stone et son
échec commercial - principalement imputable à
la mise en lumière de la dimension bisexuelle du personnage
-, on en reparle. Et Baz Luhrmann se fait fort de réaliser
le film sur Alexandre «qu'on attendait» ! |
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3. |
Prod. HBO-Icon / Mel Gibson
Série TV - 10 épisodes
Budget : 120 millions de dollars. Tournage annoncé
: début février 2002. |
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4. |
Alexander (EU, 2004) / Réal. : Oliver Stone
Scén. : Oliver Stone; Images : Rodrigo Prieto; Son
: Jean-Paul Muget. • Avec
: Colin Farrell (Alexandre le Grand), Jared Leto (Hephæstion)
et Anthony Hopkins (Ptolémée). Oliver
Stone, sur le coup dès 1999, fut un temps rejoint
comme producteur par Tom Cruise. Il fut d'abord question
de confier le rôle-titre à Heath Ledger (tournage
annoncé en Inde, octobre 2002), puis finalement on
engagea Colin Farrell (oct. 2002).
La préproduction démarra en février 2003
- l'association avec la Warner ayant permis de boucler le
budget de 140 millions de dollars - et l'on annonça
le début du tournage au Maroc pour juin 2003.
Les jardins suspendus de Babylone, la bibliothèque
d'Alexandrie, le palais de Darius furent reconstitués
sur quatre studios de Pinewood et un de Shepperton (Londres);
outre le Maroc, des extérieurs furent également
filmés en Thaïlande. |
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5. |
Prod. Alfonso Arau (Mexique-Grèce)
(annoncé par Info-Grèce 04 10 2001)
Budget plus modeste : 15 millions de dollars. Le projet aurait
intéressé des investisseurs grecs, à
cause des Jeux Olympiques d'Athènes en 2004. Projet
aujourd'hui abandonné. |
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6. |
Macedonia's Alexander the Great / Prod. Ilya Salkind
Réal. : Jalal Merhi; Scén. : David Skinner.
Début du tournage prévu : 7 février 2004,
en Grèce et en Egypte. •
Avec : Aris Papadimitriou (Hephæstion) et l'actrice
égyptienne Hala Sedki (Olympias).
Premier volet d'une trilogie annoncée par Ilya Salkind
- le producteur des trois premiers Superman des années
'80. |
|
Suite…
NOTES :
(1) En fait c'est le satrape Mithrénès
(ou Matius, selon les sources), interprété par
Massimo Serato, qui a secrètement envoyé Eumène
à Alexandre pour négocier la soumission de Sardes
aux Macédoniens... à l'insu de son cousin Artapherne.
Mithrénès, le satrape d'Arménie qui livra
Sardes et son trésor à Alexandre, est mentionné
par ARRIEN (I, 17. 3).- Retour texte
(2) L.M., Le Monde, 9 septembre
1980. - Retour texte
(3) Ou en -321, selon d'autres. L'identification
de Chandragupta avec Sandracottos est le seul point de repère,
difficile à établir, pour mettre en rapport la
chronologie indienne et la nôtre, car les sources indiennes
sont muettes sur le «raid», d'Alexandre le Grand
en -327. Pourtant, les Macédoniens laisseront des traces
de leur présence dans la vallée de l'Indus, notamment
à Taxila, et, inversement, la cérémonie
du trône vide organisée en Cilicie pour Alexandre,
cinq ans après sa mort, serait une tradition indienne...
La dynastie Maurya fut renversée par les Çunga,
en -185. - Retour texte
(4) Mouvement ascétique parallèle
au bouddhisme, qui prit naissance comme lui, et au même
moment (VIe s. av. n.E.), dans le Magadha. Son principe était
l'ahimsâ, la non-violence, que Gandhi fera sien.
- Retour texte
(5) Sans doute une coquille dans notre
documentation pour Aigai / Vergina, première capitale
de la Macédoine avant d'être évincée
par Pella... - Retour texte
(6) Roy Ferguson est un pseudonyme
du réalisateur italien Luigi Vanzi également connu
sous le nom de Vance Lewis. - Retour texte
(7) L'oikouménè
ou «cuméné» : le monde habité.
- Retour texte
(8) Une plaza de toro maquillée
(El Escorial, Madrid). - Retour texte
(9) Those Magnificent Men in their
Flying Machines - Or How I Flew from London to Paris in 25 Hours
and 11 Minutes. - Retour texte
(10) Entre ces deux films, une autre
réalisation de De Martino, Les Sept Invincibles,
se passe au IVe s. en Asie Mineure et met en scène un
groupe de rebelles en lutte contre les exactions des troupes
spartiates d'Agésilas II. Il n'y a absolument rien d'historique
dans ces trois bandes d'aventures de De Martino, hormis la patère-prétexte
où les a raccrochés le carton introductif du générique.
- Retour texte
(11) Nom voué à un
certain succès depuis Rory Calhoum dans Le Colosse
de Rhodes. - Retour texte
(12) Milon selon le press-book français;
Tarr ou Sar dans les sources italiennes. - Retour
texte
(13) PLAUTE, Amphitryon, v.
1146. - Retour texte
(14) Aphrodite. Murs antiques
(1898). - Retour texte
(15) Sean Connery avait déjà
incarné Alexandre le Grand dans un TV film britannique
intitulé Adventure Story (1961). - Retour
texte
(16) C'est donc pour cela qu'on ne
l'a jamais retrouvé ni à Alexandrie, ni à
Siwa où il est réputé avoir été
inhumé par Ptolémée, son général
devenu pharaon (!). - Retour texte
(17) Daniel Dravot, l'ancien sergent
de l'armée des Indes, ressuscitera... vampire, dans la
délicieuse uchronie de Kim Newman, Anno Dracula
(J'ai Lu, n° 4966). - Retour texte
(18) Fr. FORESTIER, Le
Nouvel Observateur. - Retour texte
(19) Ce sera finalement celui du
général Ptolémée, âgé.
Mais Hopkins l'interprétera dans la version d'O. Stone
! - Retour texte.
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