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[ Les Héros du samedi
soir ]
5. Samson,
le «renverseur» de colonnes
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A. HEROS
BIBLIQUE
5.1. Un héros solaire ?
Douzième et dernier des Juges d'Israël qui guidèrent
le Peuple Elu entre 1200 et 1020, Samson était fils de
Manué, de la tribu de Dan (le nom de sa mère n'est
pas connu).
«Sa mère était stérile et désirait
vivement un fils. Un ange lui apparut, à Saraa, et lui
annonça qu'elle concevrait et donnerait le jour à
un enfant qui serait le défenseur de son peuple contre
les Philistins. Il devrait vivre en nazaréen et ne point
couper ses cheveux. A la demande de Manué, l'ange se montra
une seconde fois. Il répéta ce qu'il avait déjà
dit à la mère, puis il disparut dans la flamme d'un
sacrifice offert à Jahvé. L'enfant en venant au
monde, reçut le nom de Samson. On a voulu voir dans ce
nom une preuve que Samson n'était qu'un mythe solaire,
en le faisant dériver de shamash, «soleil»
(...).
Dieu suscita Samson pour résister aux Philistins dont
le pouvoir s'étendait alors jusqu'au voisinage de Saraa.
Le fils de Manué ne brisa pas leur force, parce qu'il n'eut
jamais d'armée, mais seulement sa personne, pour les combattre.
Il leur fit néanmoins beaucoup de mal, grâce à
sa vigueur extraordinaire et à l'énergie dont Dieu
l'avait doué, en lui conférant en même temps
une force merveilleuse. Ses passions, auxquelles il ne sut pas
résister, devinrent la cause des malheurs de la fin de
sa vie» (1).
Il convient de considérer deux épisodes bien distincts
(que C.B. DeMille a télescopés, en faisant surs
les deux Philistines) : lorsqu'il eut atteint l'âge d'homme,
Samson voulut, malgré l'avis de ses parents, épouser
une Philistine de Thammatha, ville proche de Saraa (épisodes
du lion et du miel, du mariage, de l'énigme et des 30 vêtements;
sa guerre personnelle contre les Philistins, l'épisode
de la mâchoire d'âne).
Le vol des portes de Gaza intervient beaucoup plus tard et introduit
l'épisode - plus connu - de Dalila, une Philistine de la
vallée de Sorec, au pied de Saraa. Ayant appris le secret
de sa force, elle lui coupe les cheveux, le livre à ses
compatriotes qui lui crèvent les yeux et lui font tourner
la meule (un poncif du péplum !). Enchaîné
dans le temple de Dagon, il le fait s'effondrer sur l'assemblée. |
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B.
SAMSON A L'ECRAN
5.2. De Samson à Hercule
Hercule extermine ses ennemis à coups de flèches
(ce ne sont pas des armes nobles, comme la lance et le bouclier),
ou mieux encore à coups de massue; Samson, lui aussi, utilise
une arme aussi sommaire qu'une mâchoire d'âne, à
la bataille de Léchi (Juges, 15 : 14-17). Si les
aventures paillardes d'Hercule sont célèbres; celles
de Samson ne le sont pas moins, lui qui fréquente des femmes
de mauvaise réputation, des Philistines. Hercule succombe
aux charmes d'Omphale, comme Samson à ceux de Dalila.
Comme Hercule l'a fait pour le fauve de Némée et
celui de Thespies, Samson est capable d'étrangler de ses
mains nues le lion de Thammatha (Juges, 14 : 5-6). Ce genre
de prouesse est archétypique de tous les grands héros
de l'Antiquité, le plus ancien «étrangleur
de lions» connu étant Gilgamesh. Et dans l'amphithéâtre
romain, le bestiarius va prolonger jusque dans le registre
du «péplum historique» la geste des héros
des «péplums mythologiques» (Spartacus,
1952; Les gladiateurs,1953;
Les derniers
jours de Pompéi, 1959; Constantin le Grand,
1960; Gladiator, 2001, etc. - détourné dans
le parodique Androclès et le lion, 1952).
Le grand public, qui a perdu le sens des anciens mythes, verra
dans le combat de l'homme contre la bête - atavisme judéo-chrétien
oblige -, le triomphe de la lumière sur les ténèbres,
de l'esprit sur la matière, de l'intelligence sur la brutalité.
Samson, qui avec la version 1949 de C.B. DeMille «ouvre»
le Second âge d'or du péplum, est le véritable
archétype du héros du «muscle-opera».
C'est de lui qu'est issu le personnage d'Hercule, créé
en 1957 seulement, par Steve Reeves.
5.2.1. L'effondrement du temple
En effet, déjà en 1949, DeMille avait pressenti
pour incarner Samson Steve Reeves, fraîchement auréolé
de son titre de Mr Monde (1948) (2).
Lorsque Pietro Francisci confie le rôle du fils de Zeus
à Reeves, le scénario des Travaux
d'Hercule - faut-il s'en étonner ? - lorgne vers
le film de C.B. DeMille. Comme Victor Mature, Steve Reeves y plie
des barres de fer; comme Samson abat le temple de Dagon, Hercule,
au moyen de chaînes, renverse les colonnes et fait s'effondrer
sur les soldats le palais de Pélias.
Le personnage cinématographique d'Hercule restera marqué
par ces origines... Brisant les colonnes-stalactites dans la grotte
sous les murailles d'chalie édifiées par les
Cyclopes, ou actionnant le mécanisme infernal conçu
par Dédale, le constructeur de Babylone (sic), Hercule
fera s'effondrer les villes de ses ennemis, respectivement dans
La vengeance
d'Hercule et dans Hercule contre les tyrans de Babylone.
5.2.2. La force perdue
La notion de la force physique de Samson, provisoirement perdue
à cause de ses péchés avec des Philistines,
transpirera encore chez Hercule à travers l'épisode
du meurtre injuste d'Iphitos qui, dans le mythe grec, est la cause
de sa servitude efféminée chez la reine de Lydie.
C'est ainsi que dans Le
triomphe d'Hercule [aux Etats-Unis, Samson and the
Mighty Challenge] (A. De Martino, 1964), Hercule, ayant tué
dans un mouvement de colère son ami Eurysthée (sic),
qu'il soupçonne injustement de trahison, perd sa force
une seconde fois (le film faisant allusion, par la bouche du héros,
à la première punition par la privation de sa force,
conséquence du meurtre d'Iphitos) : Hercule dès
lors ne peut plus s'opposer à la force destructrice de
sept géants de bronze, les Centimains [id. est «Hécatonchires»],
et de simples soldats sont capables de le maîtriser et de
l'enchaîner. Ce ne sera qu'afin de lui permettre d'empêcher
la princesse Atté de périr broyée dans une
machine infernale que Zeus, le roi des dieux, lui restituera sa
force.
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5.3. L'épreuve initiatique :
Meules et supplices...
5.3.1. Ecartellement, écrasement, empalement
Du reste le cliché de l'homme fort tournant la meule ainsi
que les Philistins avaient condamné Samson aveuglé
à le faire, va devenir un stéréotype du péplum.
Maciste dans Cabiria,
Ursus dans La fureur
d'Hercule et dans Ursus dans la Terre de Feu, Karim
(Steve Reeves) dans Le voleur de Bagdad (1960), et même
Conan, dans Conan
le Barbare (3)...
tous vont tourner la meule.
Flaubert en fixera une émouvante description dans Salammbô
- les esclaves affamés et muselés peinant dans les
minoteries carthaginoises - qui trouvera écho dans un épisode
d'Alix, la BD de J. Martin (Le tombeau étrusque).
Le principe de la meule à tourner se retrouvera dans d'autres
genres d'épreuves de force à base d'écartèlement,
de résistance, de broiement ou d'empalement : |
a. Ecartèlement |
- Maciste contre des esclaves noirs (d'un côté)
et blancs (de l'autre), lutte pour ne pas tomber dans
la fosse aux lionnes (Maciste contre le Cyclope);
- Ursus entre deux chars (s'il lâche, il sera sauf
physiquement, mais la princesse Diane - la belle à
sauver - sera, elle, déchirée) (Ursus
dans la Terre de Feu);
- Hercule entre deux éléphants (Hercule
l'Invincible).
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b. Résistance |
- Enée et Ajax concourent à qui retiendra
un char (il s'agit cette fois d'un jeu, non d'un supplice)
(La
guerre de Troie).
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c. Empalement |
1) par traction |
- Emiliano oppose sa force à la traction des guerriers
lombards, qui cherchent à l'attirer contre une
planche hérissée de pointes de javelots
(La terreur des Barbares);
- Du haut d'un échafaud, Taur
lutte contre 101 vierges guerrières qui, dans une
épreuve de corde, veulent le faire chuter sur des
pointes de fer (Les gladiatrices);
- Jules César essaie de sauver ses amis condamnés
à périr entre des herses ornées de
pointes acérées (Jules César contre
les Pirates).
|
2) par écrasement |
- Cependant que fuient les Argonautes, Hercule doit retenir
les portes blindées du palais d'Omphale, hérissées
de pointes de bronze (Hercule
et la reine de Lydie);
- Maciste est placé dans une machine infernale
- deux planches hérissées de pointes de
fer - qui se referme sur lui (Maciste
contre les hommes de pierre);
- Hercule est vainqueur d'un gorille dans un cachot aux
murs hérissé de pointes, qui - alors - se
rapprochent lentement (Hercule
se déchaîne).
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d. Ecrasement |
- Le plafond d'un cachot descend inexorablement pour écraser
le(s) captif(s) : Hercule (Hercule
à la conquête de l'Atlantide et Goldocrack
à la conquête de l'Atlantide), ou Ulysse
(Ulysse
contre Hercule);
- Une variante : dans Ursus dans la Terre de Feu,
un cachot spécial est conçu pour le colosse
qui, nouvel Atlas, doit supporter sur ses épaules
une large dalle de pierre, le «plafond» de
sa cellule; à la première faiblesse il sera
broyé par la dalle instable et lacéré
par les pointes d'acier qui hérissent le sol autour
de lui.
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Il existe d'autres variantes à
ce qui précède. Par exemple : |
- à l'empalement : deux adversaires s'affrontant
en duel luttent dans un lieu dont le sol est tapissé
de pointes acérées (Hercule
se déchaîne; Les gladiatrices; Persée
l'Invincible; Supermen contre Amazones, etc.);
- à l'écrasement : dans Jason
et les Argonautes, le dieu Triton écarte les
falaises broyeuses des Symplégades (idée
reprise dans Hercule (1983) : le héros,
ayant démesurément grandi par magie, sépare
les montagnes de Gibraltar);
- à l'épreuve de traction : chaque
parti essaye d'entraîner l'autre dans un brasier
(Seul
contre Rome, Les
derniers jours d'un Empire).
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5.4. Samson à Cinecittà
C'est à ces mécaniques broyeuses d'hommes - que
les Anciens ne semblent cependant pas avoir eu fort en l'honneur,
même dans les pires extravagances sadiques de la mise en
scène de pantomimes sanglants, dans l'amphithéâtre
romain, au Ier s. de n.E. - que se rattachent les exploits du
premier «Samson» non biblique. Un Samson sans Dalila,
devenu en 1961, dans le péplum italien, un personnage indépendant
incarné par Brad Harris sous la houlette de Gianfranco
Parolini : Samson
contre Hercule (titre original : Sansone).
5.4.1. Sansone
En passant les Alpes, Sansone est donc devenu Samson
contre Hercule.
La référence à Hercule est purement artificielle
et n'apparaît que dans le titre franco-belge. Même
s'il est incarné par le culturiste Alan Steel (Maciste,
Ursus), ancienne doublure
de Steve Reeves, Hercule n'est que le pâle comparse, le
faire-valoir de Samson. Mais Samson lui-même est un nom
interchangeable : Parolini tournant simultanément Sansone
et La furia
di Ercole [Hercule se déchaîne] (4)
dans les mêmes décors et costumes, et avec les mêmes
acteurs dont, dans le rôle du méchant, Serge Gainsbourg
- à l'époque chanteur en début de carrière
: Ni les tam-tams des yé-yé-yé-é
/ Ni les gris-gris que tu portais... («Chez les yé-yé»).
Brad Harris jouait donc simultanément les personnages de
«Samson» et d'«Hercule». Plus tard Gainsbourg,
invité par Frédéric Mitterrand à parler
de sa «carrière» dans le péplum («Etoiles
et Toiles : Que reste-t-il de nos péplums ?» - TF1,
1983), déclarera à propos de ces deux films qu'il
ne savait plus dans lequel il jouait !
Hercule, frère de la princesse héritière
Jamine, est un rebelle opposé à l'usurpatrice Romhilde
et à son conseiller Warkalla (S. Gainsbourg), qui règnent
sur la ville de Sullan. Rien qu'à l'onomastique, le lecteur
a compris que nous étions fort loin, et de la Bible, et
de la mythologie grecque. En fait ce synopsis est rigoureusement
parallèle à celui de l'autre film tourné
en même temps. Samson, qui passait par là, essaye
de découvrir la vérité, il boit du vin drogué
(on ne va pas lui couper les cheveux en quatre !) et il se retrouve
dans une machine infernale actionnée par des dizaines de
soldats. Son triomphe de l'épreuve soulèvera le
peuple contre ses tyrans.
5.4.2. Cape et épée
Samson l'Invincible
La carrière de Samson est particulièrement hybride.
En fait, c'est la moins «antique» de tout le «muscle-opera»
: quatre films «antiques» (5)
contre deux de pirates, un «Pardaillan» et... un western
(sic).
Après le premier Samson contre Hercule (1961),
coproduction italo-espagnole (Cineproduzioni - Procusa), Samson
passe avec armes et bagages à la Romana Film, décidément
spécialisée dans les «fins de série»,
(cf. les deux derniers «Goliath»).
Cette maison le met à l'affiche quatre fois : Samson
l'Invincible (1963) et Samson et le Corsaire Noir (1963),
tous deux avec Kirk Morris; Samson contre tous (1964) et
Samson et le trésor des Incas (1965), ces deux derniers
avec Alan Steel.
(Au juste, le titre original de Samson contre tous est
Ercole contro Roma, ce qui retrancherait ce titre de la
filmo de Samson. Vous ne vous y retrouvez plus ? Nous non plus,
aussi reboucherons-nous vite ce trou dans la filmo en ajoutant
Les derniers
jours d'Herculanum, où un certain Samson, gladiateur
de son état et incarné par un peu impressionnant
muscle-man dont la fiche technique n'a pas retenu le nom [ah non
! le Gremese 3 crédite bien un certain George Nenadovic
!], vient en aide au valeureux consul romain Marc Tibère
(6)
(Brad Harris). Mais revenons à Samson l'Invincible...)
En 1630, dans les Caraïbes, un jeune pêcheur espagnol,
Samson (Kirk Morris), va lutter contre un féroce marchand
d'esclaves, Mourad. Et utilisant sa force prodigieuse, il l'enterrera
sous les décombres de son palais. Samson l'Invincible
aura une séquelle (tournée simultanément,
elle aussi), dans laquelle Samson, promu capitaine d'un galion,
luttera contre le Corsaire Noir, une figure familière du
cinéma d'aventure italien (7)
(Samson contre le Corsaire Noir).
Kirk Morris, en cette année 1963, ne quitte pas les XVIe-XVIIe
s., puisque, dans Le Chevalier de Pardaillan (Il Guascone,
Bernard Borderie, 1963) (Belgique : Hardi ! Pardaillan),
aux côtés de Gérard Barray et de Gianna Maria
Canale, nous le retrouvons en hercule de foire - justement nommé
«Samson» - dans Chartres assiégée par
le duc de Guise, en 1588. |
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5.5. Retour à l'Antique
?
Samson renoue avec l'Antiquité biblico-classique
sur le tard (en 1964), en rencontrant à deux
reprises son homologue grec, le fils de Zeus.
5.5.1. Hercule, Samson et Ulysse
Partis à la recherche d'un monstre marin qsévissant
dans les eaux d'Ithaque, Hercule et Ulysse sont jetés
sur la côte de Palestine, où ils vont
rencontrer Samson et l'aider contre les Philistins.
Accrochez-vous bien, cher lecteur. Les Philistins
portent des casques nazis et procèdent à
des pendaisons collectives de Juifs qui ne sont pas
sans rappeler certaines photos des Einsatzkommando
de sinistre mémoire et autres camps de la mort
de la Seconde guerre mondiale. Dalila - se confondant
avec Salomé - exécute une savoureuse
«danse des sept voiles» à relents
sadomasochistes, puisqu'un comparse détache
ses voiles à coups de fouet. A la fin de l'histoire
Hercule (Kirk Morris) et Samson (Richard Lloyd), sont
assiégés par les Philistins dans le
temple de Dagon. Ensemble, ils le font s'écrouler
sur les attaquants. Apparaît alors l'Argo
et les Argonautes partis à la recherche d'Hercule
: Laërte (Andrea Fantasia) actionne des batteries
d'arcs automatiques qui criblent de traits les derniers
ennemis. |
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5.5.2. Le grand défi
Le grand défi, sous-titré «Hercule,
Samson, Ursus et Maciste», est une coproduction
franco-hispano-italienne mise en scène par Giorgio
Capitani sous la supervision (paraît-il) de Vittorio
Cottafavi !
Hercule (Alan Steel) désire épouser Omphale,
fille de Néméa, reine de Lydie. Mais Omphale,
qui aime en cachette Inor - fils de Lycos, le pire ennemi
d'Omphale - pose pour condition que Hercule doit d'abord
vaincre l'homme le plus fort du monde : Samson (Red
Ross [= Renato Rossini]). |
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L'ambassadeur de Lydie s'en va donc
requérir les services de Samson; Dalila jalouse coupe -
une nouvelle fois - les cheveux de son mari pour l'empêcher
de partir pour la Lydie, dont «la beauté des femmes
est réputée»; l'ambassadeur lydien charge
Ursus (Yann Larvor) de «kidnapper» Samson. En route
pour la Lydie, Ursus devra encore se mesurer à Maciste
(Nadir Baltimor)...
Les trois colosses arrivent chez Omphale, bien décidés
à permettre la victoire et le mariage d'Hercule. Mais le
fils de Zeus, ayant soumis la tribu de Lycos, découvre
l'amour unissant les deux jeunes gens. Il renonce à la
main d'Omphale, qui épousera Inor.
Le film ne s'est pas contenté de réunir les quatre
principaux gros bras du muscle opera, il a aussi permis
la juxtaposition (à défaut de la rencontre) de deux
femmes fatales : Dalila et Omphale : l'une nous est présentée
comme une épouse jalouse, l'autre comme une ingénue.
En outre, il permet les retrouvailles d'Hercule avec deux de ses
persécuteurs attitrés du péplum : Eurysthée
(ici, conseiller de Néméa) et Lycos.
Le propre du péplum - comme du cinéma-bis
en général - est de jeter des ponts entre les cultures
et de provoquer les rencontres les plus inattendues. Pourtant,
à deux siècles près, Hercule que le «Marbre
de Paros» fait vivre aux alentours de 1300 aurait fort bien
pu, au cours d'un de ses nombreux voyages, rencontrer Samson.
Samson à qui les exégètes de la Bible font
accomplir ses exploits entre 1136-1117 selon une chronologie longue
(ou vers 1020, selon une chronologie courte - le flou des datations
légendaires !).
(Comme on admet couramment que la guerre de Troie eut lieu de
1193 à 1183 et que, vivant une génération
avant, Hercule connut Priam dans sa jeunesse (8),
nous reporte aux alentours de 1218 ou 1243, c'est-à-dire
25 ou 50 ans plus tôt : voici déjà un siècle
de gagné !) |
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5.6. Western spaghetti
Samson et le trésor des Incas
Commencé comme un péplum en 1965, Samson et le
trésor des Incas était une coproduction italo-allemande
de la Romana Film tournée en Yougoslavie. Au vu des recettes
récoltées par les westerns de Sergio Leone et ses
imitateurs, Fortunato Misiano (le propriétaire de la Romana)
reconvertit son film en cours de tournage...
Au Far West donc, Alan Steel/Samson alternera le port du pagne
antique et celui du stetson et des pistolets - la pellicule coûte
cher et il s'agit de ne pas jeter ce qui a déjà
été filmé. Des cow-boys découvriront
donc une cité perdue inca (au Far West ?). Ainsi camouflé
en western, ce péplum hybride nous permettra de voir -
une dernière fois - le geste antique de Samson, arrachant
une princesse aux sacrificateurs incas, sur lesquels, c'est chez
lui une manie... il fera s'effondrer le temple du Soleil !
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5.7. Les faux Samson américains
Dans Le géant à la cour de Kublaï Khan,
Maciste, mort et enterré dans une crypte sous la ville,
ressuscitait et provoquait l'effondrement de la cité. C'est
sans doute de là que provient le titre de distribution
anglo-américain : Samson and the Seven Miracles
où l'on voit, sur l'affiche, Samson renversant des colonnes
(9).
(Idem sur l'affiche de Samson and the Slave Queen
- ex Maciste contre Zorro -, fantasmatique en diable, car
elle aussi suggère des scènes qui ne sont pas dans
le film, en le présentant comme «antique» alors
qu'il s'agit en réalité d'une bande de cape et d'épée.) |
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Pourquoi Maciste a-t-il été
rebaptisé Samson outre-Atlantique ? Probablement parce
que si Samson ou Goliath sont dans la Bible, donc connus du grand
public, il n'en va pas de même de Maciste qui est une création
du cinéma italien. Le nom de «Maciste» ne s'étalera
sur les (petits) écrans américains que fort tardivement,
dans les années 70, lorsque certains Maciste seront diffusés
à la TV sous le nom de «Machiste». Aux States,
donc, les «Maciste» seront systématiquement
modifiés en «Samson», «Son of Samson»,
«Hercules», «Son of Hercules», «Atlas»
ou «Goliath».
Inversement, un muscle opera américain tourné
en Grèce, Atlas
(1960), deviendra au Liban : Samson.
5.7.1. Catch mexicain
En dépit de leur titre de diffusion-TV américain,
Samson and the Vampire Woman (1962) et Samson in the
Wax Museum (1963), ne concernent ni de près ni de loin
le héros biblique, mais se rapportent aux exploits du populaire
héros cinématographique mexicain, le catcheur El
Santo - version latino-américaine de Superman, avec sa
cape et son collant, le visage masqué d'une cagoule. Les
aventures du Masque d'Argent (El Santo) (10),
gravitent autour des rings, mais font de larges incursions dans
le bestiaire du cinéma fantastique : momies aztèques,
loups-garous, monstre de Frankenstein, vampires, extra-terrestres.
A propos d'un de ces épisodes, Blue Demon contra y
monstruos (Gilberto Martinez Solares - Mexique, 1968), Barrie
Pattisson notera l'influence de la saga d'Hercule et du péplum,
sur le cycle des aventures d'El Santo (11). |
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Champion indonésien
En 1988, un curieux télescopage du péplum biblique
et du film d'arts martiaux, Revenge of Samson, transposa
le mythe de Samson au XIXe s. en l'adaptant à l'épopée
de la résistance indonésienne contre les colonisateurs
hollandais (!). Samson y était incarné par le culturiste
australien Paul Hay (classé second au titre de Mr. Australia).
Inédit sur nos (grands) écrans, ce film est disponible
en DVD.
5.7.2. Bande dessinée
Robert L. Liebman (12)
a montré combien était juif le personnage de Superman
- imaginé en 1933 (13)
par deux jeunes juifs de Cleveland, Jerry Siegel et Joe
Shuster.
Dans la vie de tous les jours, Clark Kent, le journaliste du Daily
Planet, est un intellectuel à lunettes, un petit homme
- un schlemiel - alors que revêtu de son collant
bleu et de sa cape rouge il devient Superman, le héros
invincible et protecteur, volant au secours de l'Humanité,
pourfendant - pendant la guerre - les espions nazis ou japonais
complotant contre l'Amérique; un avatar du golem (14)
en quelque sorte, suggère R.L. Liebman. Mais la comparaison
avec le Juge des Danites, Samson, nous paraît plus probante
encore : la nature de Samson est double : esclave rasé
et aveuglé, il est privé de sa force et tourne la
meule dans la minoterie du Seren. Mais à peine ses cheveux
ont-ils repoussé, que le revoici exterminateur des Philistins.
Lors d'une de ses incursions dans le passé, dans la Rome
impériale, Superman - rebaptisé en France l'Homme
d'Acier - deviendra «Samson». A un certain moment,
cette BD (15)
lorgne vers le prologue du film Les
travaux d'Hercule, lorsque Hercule déracine un
arbre pour arrêter la course de chevaux emballés.
Mais Samson-Superman, en bon Américain, se doit de faire
mieux qu'un demi-dieu grec : c'est deux arbres qu'il déracine,
un dans chaque main (id. est, les deux colonnes du temple),
pour dresser un obstacle sur la route du char fou.
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Dans les années '80, les studios
Hanna Barbera lanceront d'ailleurs un couple de superhéros
décalqués sur Superman (un adolescent et son chien)
: Samson et Goliath,
ce dernier étant en fait un lion, fidèle compagnon
du héros Samson.
Enfin, rappelons une autre série de superhéros,
plus ancienne (circa 1967), Mighty Samson, dont
les aventures, publiées par Gold Key (16)
mettaient en scène un Samson blond et... borgne. Il est
permis de voir dans cette mutilation qualifiante, une litote,
un vestige de l'aveuglement du juge danite.
Ce Samson du Futur lutte pour les humains dans un New York post-apocalyptique
envahi d'arbres cannibales et de dinosauriens. |
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FILMOGRAPHIE DE SAMSON
|
1.
Samson et Dalila
(1080 av. n.E.) |
|
- Samson et Dalila
(Ferdinand ZECCA, prod. Pathé - FR, 1902)
- Samson
A Modern Samson
(André CAPELLANI, prod. Pathé - FR, 1907)
- Samson et Dalila
(Ferdinand ZECCA, prod. Pathé - FR, 1908)
(Version distincte de celle de 1902.)
- Henri Ravet (Samson)
Samson
(Henri ANDREANI, prod. Pathé - FR, 1908)
- J. Warren Kerrigan (Samson)
Samson
(J. Farrell Mac DONALD, Lorimer JOHNSTON & G.P. HAMILTON,
prod. Universal - EU, 1914)
- William Farnum (Samson)
Samson
(Ben LEWIS, prod. Will Fox - EU, 1915)
- Alfredo Galoar (17)
(Samson)
Samson et Dalila
Samson und Dalila
([Sir] Alexander KORDA [& Mihaly KERTESZ (= Michael
CURTIZ), assistant de production] - Autriche, 1922)
- W.D. Waxman (Samson)
Samson and Delilah
(Edwin J. COLLINS - GB, 1922)
(Opéra filmé.)
- William Anderson (Samson)
Samson and Delilah
(H.B. PARKINSON - GB, 1927)
- Victor Mature (Samson)
Samson et Dalila
Samson and Delilah
(C.B. DeMille - EU, 1949)
- Red Ross [= Renato Rossini] (Samson)
Le grand défi : Hercule, Samson, Maciste et
Ursus
(Giorgio CAPITANI - IT, 1964)
- Richard Lloyd (Samson)
Hercule, Samson et Ulysse
(Pietro FRANCISCI - IT, 1964)
- Samson
(Kazimierz BRANDYS & Andrej WAJDA - Pologne, 1964)
(Version moderne située dans le ghetto
de Varsovie, en 1940-1945.)
- Anton Ceesink (Samson)
I Grandi condottieri : Gideone e Sansone
Los Jueces de la Bibbia / Samson and Gideon
(Franz PEREZ-DOLZ & Marcello BALDI, prod. SamPaolo
Film - IT-SP, 1965)
- Brahm van Zetten (Samson)
Bible/In the Beginning/B(efore) C(hrist) Scandals
(t. alt.)
(Wakefield POOLE, prod. Poolemar - EU, 1974)
(Version porno des amours d'Adam et Eve,
David et Bethsabée, Samson et Dalila.)
- John Beck (Samson)
Samson & Delilah
(The Greatest Heroes of the Bible [6])
(James L. CONWAY - EU, 1978-TV)
- Anthony Hamilton (Samson)
Samson and Delilah
(Lee PHILIPS - EU, 1984-TV)
- Paul Hay (Samson)
Revenge of Samson
(Sisworo Gautama PUTRAY - Indonésie, 1988)
prod. Soraya Intercine Films
- Vengeance d'une femme (La) (Samson et Dalila)
Intikam Emraa
(Réal. ? - Inde, 19??)
Mabrouka Films présente
(Avec : Premnath (Samson (?)) et Bina Rai
(Dalila (?)).)
- Eric Thal (Samson)
Samson et Dalila - La Bible
[Sansone e Dalila - La Bibbia]
(Nicolas ROEG - IT-AL-EU, 1996)
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2. Samson
[Les «Samson» muets interprétés
par Luciano Albertini ne sont pas des péplums : Sansone
contro i Filistei (Domenico Gaido, 1918) - Sansone e la
ladra d'atleti (Amedeo Mustacchi, 1919) - Sansone muto
(Filippo Costamagna, 1919) - Sansone acrobata del Kolossal
(Adriano Giovanetti, 1920) - Sansone burlone (F. Costamagna,
1920) - Sansone e i rettili humani (A. Mustacchi, 1920).] |
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- Mark Forest
Son of Samson
[Maciste nella Valle dei Re]
(Carlo CAMPOGALLIANI - FR-IT-YU, 1960)
- Gordon Scott
Samson and the Seven Miracles of the World (t.
alt.)
[Maciste alla Corte del Gran Kan]
(Riccardo FREDA - FR-IT, 1961)
- Michael Forest
Samson (titre libanais)
[Atlas]
(Roger CORMAN - EU, 1961)
- Brad Harris
Samson contre Hercule
[Sansone]
(Gianfranco PAROLINI - IT, 1961)
- Ed Fury
Samson against the Sheik [EU-tv]
[Maciste contro le Sceicco]
(Domenico PAOLELLA - IT, 1962)
- Brad Harris
Samson, Brefreier der Versklavten [AL]
[La furia di Ercole]
(Gianfranco PAROLINI - FR-IT, 1962)
- George Nenadovic
Les derniers jours d'Herculanum
[Anno 79 Dopo Cristus : La distruzione di Ercolano]
(Gianfranco PAROLINI - IT, 1962)
- Kirk Morris
Le chevalier de Pardaillan
[Il Guascone]
Clash of Steel [EU]
(Bernard BORDERIE - IT-FR, 1962 [1963 ?])
- El Santo
Samson and the Vampire Woman [EU-tv]
[Santo contra las mujeres vampiro]
Superman contre les femmes vampires [FR]
Santo contre les femmes vampires [BE]
(Alfonso Corona BLAKE - Mexique, 1962)
- Kirk Morris
Samson l'Invincible
[Sansone contro i Pirati]
Samson und die weissen Sklavinnen [AL]
Samson and the Sea Beasts [EU-tv]
(Amerigo ANTON [= Tanio BOCCIA] - IT, 1963)
- Kirk Morris
Samson vs. the Giant King [EU]
[Maciste alla corte dello Zar]
(Amerigo ANTON - IT, 1963)
- Kirk Morris
Samson contre le Corsaire Noir
[Sansone contro il Corsaro Nero]
(Luigi CAPUANO - IT, 1963)
- Alan Steel
Samson and the Slave Queen [EU]
[Zorro contro Maciste]
(Umberto LENZI - IT, 1963)
- El Santo
Samson in the Wax Museum [EU-tv]
[Santo en el Museo de Cera]
(Alfonso Corona BLAKE - Mexique, 1963)
- Alan Steel
Samson contre Rome
(Samson contre tous [BE])
[Ercole contro Roma]
(Piero PIEROTTI - FR-IT, 1964)
- Dan Vadis
Samson and the Seven Challenge [EU-tv]
[Il trionfo di Ercole]
(Alberto DE MARTINO - FR-IT, 1964)
- Reg Park
Samson in King Solomon's Mine [EU-tv]
[Maciste nelle Miniere del Re Salomone]
(Martin ANDREW [= Piero REGNOLI] - IT, 1964)
- Red Ross
Le grand défi - Hercule, Samson, Maciste et
Ursus
[Ercole, Sansone, Maciste e Ursus, gli Invincibili]
Samson and the Mighty Challenge [GB]
Hercules, Maciste, Samson and Ursus vs. the Universe [EU]
[Australie]
(Giorgio CAPITANI - IT, 1964)
- Richard Lloyd
Hercule, Ulysse et Samson
[Ercole sfida Sansone]
(Pietro FRANCISCI - IT-EU, 1964)
- Alan Steel
Samson et le trésor des Incas
[Sansone e il tesoro degli Incas]
(Piero PIEROTTI - IT-AL, 1965)
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NOTES :
(1) VIGOUROUX, Dict. de la Bible,
s.v. Samson, pp. 1434-1435. - Retour
texte
(2) Cf. Pierre CHARLES, «Steve
Reeves», Cinéchoc, nŽ 6, juin 1985, p. 29.
- Retour texte
(3) Ce détail est inventé
par les scénaristes du film (influencés par les
péplums des années '50-60 ?) et ne figure nulle
part dans les nouvelles écrites par R.E. Howard dans
les années '30. - Retour texte
(4) De toute évidence La
Furia di Ercole devait être, initialement, une Furia
di Sansone, ensuite rebaptisée pour camoufler le
doublon. - Retour texte
(5) Samson contre Hercule, Les
derniers jours d'Herculanum, Hercule, Samson et Ulysse et
Le grand défi.
Samson contre Rome est un faux Samson (Ercole contro
Roma), de même que plusieurs titres américains.
- Retour texte
(6) Quitte à paraître
«cuistre» - mais ça ne nous gêne pas
-, si nous en croyons les «fastes consulaires»,
les consuls de 79 étaient Fl. Vespasianus Augustus IX
et T. Vespasianus Cæsar VII (soit l'empereur Vespasien
himself, qui décède jour pour jour deux
mois avant l'éruption du Vésuve, puis son fils
Titus, qui lui succède) et T. Virginius Rufus. La désinvolte
générosité avec laquelle les scénaristes
de péplums confèrent des titres ronflants à
leurs héros nous a toujours émerveillé
(si l'on songe que les Romains désignaient l'année
non pas sa numérotation ordinale, mais par les noms des
consuls en charge...). - Retour texte
(7) Le Corsaire Noir (de même
que ses cousins, les Corsaires Rouge et Vert) ont été
créés au début du siècle par un
romancier populaire italien, Emilio Salgari - et seront maintes
fois portés à l'écran. - Retour
texte
(8) L'épisode d'Hésione,
fille de Laomédon. - Retour texte
(9) Scène qui, à vrai
dire, ne figure pas tel quel dans le film. - Retour
texte
(10) A propos d'El Santo et du cinéma
populaire mexicain, cf. Mad Movies, nŽs 18, mars 1979
et 19, juin 1980. - Retour texte
(11) Barrie PATTISSON, Dracula,
Minoustchine, 1976, p. 55. A propos de Samson and the Vampire
Woman et Samson in the Wax Museum, cf. également
Movies on TV - 1978-1979, Bantam Books. - Retour
texte
(12) Robert L. LIEBMAN, «Charlie
Chaplin, Jerry Lewis, Woody Allen : Schlemiels ou surhommes
?», CinémAction, nŽ 37, février 1986
(numéro consacré au thème «Cinéma
et Judéité»). - Retour
texte
(13) Le premier épisode paraîtra
cinq ans plus tard dans le nŽ 1 d'Action Comics, de juin
1938. - Retour texte
(14) Las de se faire rosser à
la sortie du collège, Shuster et Siegel auraient imaginé
ce personnage vengeur et protecteur qu'est Superman en quelque
sorte par besoin de compensation.
On songe, naturellement, au golem, cette statue d'argile animée
qui protégeait les Juifs de Prague contre leurs persécuteurs
: il suffisait d'effacer une des lettres hébraïques
du mot signifiant vie, pour obtenir le mot mort,
et le «désactiver». - Retour
texte
(15) Flash, nŽ 45, Arédit,
janvier 1963. - Retour texte
(16) K.K. Publication, Poughkeepsie
- New York. - Retour texte
(17) Cet Alfredo Galoar - «un
ancien chauffeur qui avait une poitrine et des bras d'haltérophile»,
selon Michael KORDA, Des vies de rêve. Histoire d'une
famille (1979), R. Laffont, 1981, p. 78 - doit, semble-t-il,
être à distinguer d'Alfredo Buccolini qui, dans
le rôle de Galaor, s'illustrait à la même
époque dans le panthéon des héros musclés
du cinéma italien. - Retour texte
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